Nous écrivions en octobre dernier au sujet de la pose de la première pierre de la nouvelle maison diocésaine de Nice, qui va connaître de très importants travaux peut-être imprudents dans un diocèse à la santé financière fragile et aux lourds déficits. Le diocèse de Nice est celui de Mgr Nault depuis 2022, précédemment évêque de Digne de 2014 à 2022. Ce diocèse a aussi sous sa houlette des travaux pour sortir la maison diocésaine de Digne qui est le siège du diocèse, sur la route Napoléon, mais à l’écart de l’axe principal formé par l’A51 et la ligne de chemin de fer Grenoble – Marseille par Veynes, dont même l’embranchement ferroviaire vers Digne a été neutralisé et est remplacé par une navette en bus depuis saint Auban, Sisteron ou Veynes. Donc la maison diocésaine fut transplantée au Bartèu sur Peyruis, à l’entrée de la vallée allant vers Digne et dans celle où passent le chemin de fer et l’autoroute. A 30 km tout de même du siège épiscopal théorique, une ville bien vide et triste hors saison…
Un coût énorme et des dépenses à tire-larigot
Sauf que comme l’écrivait Golias en 2019, ça a coûté « un pognon de dingue » : « Mgr Nault a pris cette décision de son propre chef, seuls quelques proches ayant été consultés. Il lui fallait pour ce faire trouver 3 millions d’euros pour la rénovation du lieu qui n’était plus aux normes. Première phase… L’évêque de Digne a donc revendu fin juin 2018 l’évêché actuel pour 800.000 euros à une société HLM avec une moins value de 800.000 euros, alors que le bien était estimé à 1.600 000 euros et qu’il avait été rénové à grands frais en 2008, sous l’épiscopat de son prédécesseur, Mgr Loizeau (1997-2014) ! La paroisse de Digne qui partageait des locaux adjacents à l’évêché a dû effectuer 300.000 euros de travaux pour se reloger et louer une maison dans le centre ville de Digne pour loger ses prêtres. De leurs côtés, l’évêque et ses services ont déménagé en septembre 2018 dans des locaux provisoires et étriqués sur le site de la maison diocésaine : « le Bartèu ».
Cinq ans plus tard, le Trombinoscope (pages 257-58) permet de constater que la situation ne s’est pas améliorée, alors que le nouveau titulaire du diocèse, Mgr Gobilliard, doit gérer au mieux cet encombrant héritage : « Après Nault, il est difficile de faire pire. Emmanuel Gobilliard hérite d’un diocèse en piteux état. La construction de la maison diocésaine « Le Berteu » a ruiné en partie le diocèse. «Surdimensionnée » : trois rencontres seulement s’y sont déroulées en février dernier. Aucune possibilité de cuisine ou de couchage, donc on oublie les rassemblements de jeunes.
Dans ce lieu situé à Peyruis (au milieu de nulle part), le nouvel évêque doit se contenter des conversations avec ses plus proches voisins : les sangliers. Nault a pioché abondamment dans les caisses des paroisses. Difficile de se faire une idée réelle de l’état des finances : c’est l’omerta la plus totale. Gobilliard essaie de rationaliser un peu tout cela. Il a commandité plusieurs audits : un financier, un pastoral, orchestrés par des personnes extérieures au diocèse. Pas certain qu’il aime ce qu’il va découvrir, Nault aurait pu faire sienne la devise du milliardaire John Hammond dans le film Jurassic Park : « J’ai dépensé sans compter. » Le seul souci, c’est que Nault n’est pas milliardaire et qu’il disposait au gré de ses lubies d’un argent qui n’était pas le sien« . Ce qui ne l’a pas empêché d’être promu… à Nice, « grâce à son frangin Jean-Charles, abbé de Saint-Wandrille et pote avec le cardinal sulpicien ex-papabile Marc Ouellet« . Et de recommencer de coûteux travaux, dans un diocèse qui a plus de moyens… mais aussi plus de déficits.
Divers diocèses au secours de celui de Digne
Les comptes 2023 et 2022 du diocèse de Digne indiquent qu’il est structurellement déficitaire : le résultat d’exploitation est structurellement déficitaire de 91.550 euros en 2022 et plonge avec un déficit de 448.245 euros en 2023. Néanmoins les produits exceptionnels sur opérations en capital permettent de revenir à l’équilibre en 2023 avec 502.000 euros d’excédent net, contre un déficit de 88.209 euros en 2022. Le diocèse a néanmoins capté 924.000 euros de dons manuels en 2023 et 1.4 millions en 2022, et 1.7 millions d’euros en 2021.
En 2021 il y avait en revanche un résultat d’exploitation positif de 756.000 euros et un excédent net de 778.000 euros – On retrouve mention dans les comptes 2023 d’une « avance de 700.000 euros du diocèse de Nîmes« . En 2021 dans les faits majeurs de l’exercice, on apprend que le diocèse de Digne a reçu des « dons de 300.000 euros du syndicat ecclésiastique, le diocèse de Nice pour 100.000 euros, l’association saint Vincent pour 70.000 euros, le diocèse de Versailles pour 50.000 euros, le diocèse de Rodez pour 30.000 euros et l’UADF pour 30.000 euros« .
En 2023, le Barteu continue de peser sur les comptes, avec de nouvelles « charges immobilisées pour la rénovation pour un montant de 229.950,91 euros« . La masse salariale est néanmoins maîtrisée contrairement à bien des diocèses (« 1 cadre et 8 non-cadres »). On apprend aussi qu’il y a 2.5 millions d’euros de dettes exigibles à un an. Dans les faits majeurs de l’exercice 2022, on apprend que « les dépenses pour les travaux au Barteu cumulées au 31.12.2022 s’élèvent à 3.441.543 euros ».
Comptes du diocèse de Digne en 2021-23 :
Pour boucler le financement de la maison diocésaine, des handicapés pauvres et ruraux poussés vers la sortie
« Les travaux de rénovation ont commencé – sans rire – le 1er avril 2019 (le permis de construire a été déposé en juin 2017). Mais Mgr Nault ne dispose pas à ce jour des fonds suffisants. Or l’association Saint-Vincent – une association ayant des activités religieuses qui engagent vingt salariés et gèrent deux établissements – possède un domaine situé à Mane, une commune de 1.358 habitants non loin de Forcalquier où œuvre une structure d’accueil pour personnes handicapés, « L’Ermitage », lieu calme et paisible. Et que fait cette association Saint-Vincent ? Elle fait don de l’Ermitage… à l’association diocésaine ! Il se trouve que l’Ermitage est mitoyen à une hôtellerie de luxe (Relais & Châteaux) appelée le « Couvent des Minimes ». [ouvert en 2005 dans l’ancien couvent fermé en 1999, rénové en 2023]
Au début de l’été dernier, les familles des personnes handicapées ont appris que l’Ermitage n’était plus rentable, qu’il sera bientôt fermé et que les pensionnaires seront transférés dans une structure à Manosque, ce qui provoque de nombreuses réactions tant sur Internet que sur le site de La Provence. De nombreuses pétitions sont signées L’affaire arrive même sur le bureau de Monsieur Castaner – ministre de l’Intérieur et ancien maire de Forcalquier, non loin de l’Ermitage, donc. Mgr Nault ne change pas de cap et, dans un souci d’« efficacité », fonce ! Celles et ceux qui tentent de s’informer auprès de lui reçoivent des réponses cinglantes, de type : « Mêlez-vous de vos affaires ! »
Le directeur du Couvent des Minimes, a souhaité racheter ce bien. Selon ses dires, il aurait été convoqué par Mgr Nault, lequel souhaite vendre l’Ermitage : 1.700.000 euros ! L’hotellerie de luxe en propose 700.000 euros… A ce jour, les personnes handicapées ont été mises hors de chez elles et l’évêque de Digne n’a toujours pas l’argent pour financer sa maison diocésaine : Il lui manque 1.700.000 euros… A qui vendre l’Ermitage ? Et surtout, combien ? »
On apprend du site de la pétition qu’elle a été victorieuse, même si visiblement le transfert a été fait, comme l’indiquent en 2019 le site de l’association Espoir 04 et Fréquence Mistral, avec un soutien de l’Etat.