France Inter publie ce matin une longue enquête mettant en parallèle les engagements des évêques français face aux abus, et leurs actions concrètes, face à des victimes, dans des affaires d’abus précises – si les noms des auteurs d’abus ne sont pas publiés, leurs diocésains sauront les retrouver. Au moins 18 n’ont pas fait ce que les victimes attendaient d’eux, ont fait traîner les signalements en longueur, voire n’ont absolument rien fait. Un chiffre qui n’est probablement pas définitif.
Parmi les plus lourdement mis en cause, Mgr Rivière, évêque d’Autun, qui avait avoué en avril 2024 sur France 2 devant cinq millions de téléspectateurs qu’il ne lisait pas les signalements d’abus qu’on lui envoyait, parce que ça le mettait « mal à l’aise ». Sa communication aura du travail : d’après France Inter, il a mis vingt ans à renvoyer l’état clérical un frère de la communauté Saint-Jean qui avait commis un abus – cette congrégation aux affaires multiples est sous la responsabilité de Mgr Rivière, et « au moins deux autres prêtres au profil pédocriminel ont été signalés à Benoît Rivière ces dernières années, sans qu’il n’agisse. Le procureur de la République a été finalement informé par un tiers ; les deux hommes d’Église sont morts avant de ne pouvoir être inquiétés« .
Les autres évêques mis en cause :
- Mgr Benoît-Gonnin (Beauvais) et Mgr le Saux (Annecy) quand ils étaient au Mans, au sujet de l’affaire Moulay; les ratés à répétition et les mauvaises pratiques autour de ce prêtre qui a été ordonné malgré des rapports très défavorables de son séminaire, et qui a multiplié les victimes dans les diocèses de Rennes et du Mans tandis que ces dernières se voyaient opposer toute l’inertie de la communauté de l’Emmanuel intéressent les visiteurs apostoliques qui vont inspecter cette communauté dans les mois à venir.
- Mgr Aillet (Bayonne), pour deux prêtres du diocèse pour lesquels plusieurs années se sont écoulées entre le signalement par les victimes et les mesures canoniques ou judiciaires; une troisième affaire est citée, mais s’il a bien été réintégré en paroisse sous Mgr Aillet, la décision de l’envoyer, pendant ses cinq ans d’interdiction d’activités auprès des mineurs, en aumônerie des Basques à Paris revient à son prédécesseur, Mgr Molères
- Mgr d’Ornellas (Rennes), pour l’affaire Carissan, que Mgr d’Ornellas a envoyé, une fois ses abus connus, à l’Arche de Trosly-Breuil, dont il est l’accompagnateur spirituel, où les gendarmes l’arrêtent en 2010.
- Mgr Pansard (Evry)
- Mgr Delarbre (Aix)
- Mgr Turini (Perpignan) et Mgr Camiade (Cahors), au sujet de l’affaire Olivier; bien que condamné en 2013, il était redevenu curé de plusieurs villages, mais a depuis été déplacé dans un service d’archives, après plusieurs publications rappelant le témoignage et le vécu de la victime.
- Mgr Roland (Belley-Ars), au sujet de l’affaire M’vuatu. La justice canonique a disculpé le prêtre malgré des faits accablants; néanmoins une des victimes a porté plainte devant la justice civile.
- Mgr Souchu (Dax), Mgr Blaquart (Orléans) et Mgr Eychenne (Grenoble) quand ils étaient en Orléans au sujet de leur inertie quant aux abus commis par le père de Scitivaux; Mgr Souchu, qui s’est tu, est devenu évêque – et a continué de pratiquer l’inertie et le refus de prendre en compte la parole des victimes dans l’affaire du père Goguey (notamment). Mgr Eychenne s’est tu et est devenu évêque lui aussi – aujourd’hui à Grenoble, il a laissé derrière lui en Ariège un bilan plus que discutable sur le plan de la justice canonique.
- Mgr Delmas (Angers) auquel il a fallu dix ans pour prendre des mesures conservatoires pour un prêtre auteur d’abus – il avait reçu le signalement en 2014.
- Mgr Brac de la Perrière (auxiliaire de Lyon), qui avait reconnu sa négligence dans l’affaire Preynat, mais avait été relaxé pour cause de prescription des faits
- Mgr Pierre-Yves Michel (Nancy) quand il était vicaire à Lyon; mis au courant des rumeurs concernant le père Preynat, il n’a pas cherché plus loin. Autant de temps perdu pour les victimes…
- Mgr Wintzer (Sens-Auxerre) qui a récemment défrayé la chronique pour s’être entêté des semaines durant à réintégrer dans son clergé un prêtre auteur d’abus et excommunié de surcroît, l’abbé Jean Tribut. Présent à sa messe d’installation, il l’a rendu illicite en concélébrant. Et pour Mgr Wintzer, qui avait pourtant beaucoup de leçons à donner à ses confrères après la CIASE dans son livre, il a fallu que Rome intervienne… Pauvres icaunais !
- Mgr Colomb (La Rochelle), toujours mis en examen pour tentative de viol, quand il était aux MEP.
Liste évidemment non exhaustive.
On a connu entrée en matière à l’Assemblée Plenière de la CEF plus glorieuse. Même si les évêques sont surtout préoccupés par leur futur nouveau chef, on ne peut guère s’étonner de la perte d’influence de l’Eglise ces dernières années, à considérer le hiatus entre ce que disent les évêques – ou ce qu’ils écrivent, puisque plusieurs rapports sur la mise en oeuvre des mesures décidées suite à la CIASE ont été publiés ces jours-ci, et ce qu’ils font vraiment.

Travail journalistique bien peu rigoureux. Si France Inter s’était mieux documenté, ils auraient ajouté : Mgr Crepy, Mgr Gosselin, Mgr Reithinger et d’autres encore.
Je voudrais simplement témoigner, puisque je vois qu’il est mis en cause en début d’article, que Mgr Rivière a été à l’initiative d’un week-end dédié à la prière et a la réparation en faveur des victimes d’abus sexuels ; week-end qui s’est tenu à Paray-Le-Monial les 22 et 23 mars 2025. La Messe de dimanche était une Messe de réparation. Ce fut un temps très fort et bouleversant et Mgr Rivière y a fait, agenouillé devant l’autel avec tous les autres prêtres et accompagné par l’assemblée un acte de réparation extrêmement fort.
N’oublions pas que nos évêques, quelles que soient leurs limites ou leurs défaillances, doivent être respectés en raison de leur dignité sacerdotales et de qui ils représentent. Et gardons à l’esprit que le Coeur de Jésus est aussi grandement blessés par les critiques incessantes dont ils sont l’objet. Prions avant tout pour eux, c’est ce qui leur sera le plus profitable.
J’ai eu personnellement affaire au « plus lourdement mis en cause ». Je peux vous assurer qu’il agi envers moi de façon proche de la description de l’enquête de France Inter, et que les conséquences auront été exactement les mêmes décrites, à savoir, la liberté tjs actuelle ou à ma connaissance, récente, de multirécidivistes. Cela fait des années que je dis ce qui est « dénoncé » dans l’article. C’est tellement facile de dire à une victime qu’elle aurait dû se manifester plus tôt. Je ne souhaite à personne de subir des abus physiques et/ou autres, et je ne suis pas certaine que quelqu’un n’ayant heureusement jamais subi cela soit à même de juger de la réaction de victimes. « Il » m’a réduite à l’état de peur absolue de lui et donc au silence le plus total. J’ai encore peur en écrivant cela.
Une « messe de mémoire et reparation » : je n’y étais pas : a t il pris la parole ? S’est il excusé ? Certains diocèses agissent bien plus et mieux, avec beaucoup plus de courage, et comme par hasard ne figurent pas parmi cette triste liste, non exhaustive en effet hélas… Certains ecclésiastiques/diocèses/laïcs engagés, aident et sauvent les victimes pendant que d’autres les auront utilisées, réduites à la peur, au silence, au néant et la souffrance. Et l’on reproche ensuite aux victimes de ne pas s’être manifestées assez tôt ?? Que defend on finalement ? Les personnes ou l’image des institutions ? Laquelle des deux est la plus importante ? Merci.